Idiot qui ne comprend pas
La légende qui, comme ça,
Dit qu'une gitane implora la lune
Jusqu'au lever du jour
Pleurant elle demandait un gitan qui voudrait
L'épouser par amour.
Une immense roue dorée tournait lentement avec un cliquetis au dessus de la ville, presque superposée avec la lune. C'était étrange de voir ce genre de paysage auquel je n'étais pas particulièrement habituée sur mes terres où la technologie n'avait pas une place aussi importante et où elle était souvent alliée aux changelings. J'inspirais l'air nocturne sous l'écharpe qui recouvrait mon museau. Malgré les températures nettement plus élevées la journée, il continuait de faire frais le soir, suffisamment pour que j'ai l'occasion de porter ma cape sans que quiconque ne me lance de regard désapprobateur ou méfiant. De nobles gens promenaient le soir, épaule contre épaule, et écoutant leurs sabots résonner sur le sol carrelé j'appréciais l'air du soir. Le café que j'avais choisi se transformait en bar le soir, alors je pu rester pour profiter de l'air et de mon thé bien après minuit. Les rues étaient vides.
J'entendais des rires à l'intérieur : personne ne semblait décidé à sortir de la boutique, parfois j'en voyais qui titubaient dehors en riant, d'autres fois je voyais une dame ou un sir glisser tranquillement dehors pour rentrer chez soi. Mais à partir d'une certaine heure, plus personne. Juste moi à ma table avec une tasse comportant un fond de thé qui était devenu froid. J'aimais le thé glacé ! Attendre ainsi la nuit tombée était devenu un quotidien pour moi, je me sentais plus à l'aise et plus inspirée tandis que je me reposais à ce café. Le barman était habitué à me voir maintenant. Sorti rentrer quelques chaises, il m'accorda une légère inclinaison de la tête et je lui souriais en retour. Il n'avait jamais vu mon visage puisque je portais cape et écharpe, mais nous avions eu l'occasion de parler poésie. Il déposa une nouvelle tasse de thé sur la table et refusa que je le paie pour celle-ci.
« Belle soirée n'est-ce pas ?
-Charmante... »Il rentra dans le café, mais avant de disparaître me glissa avec un regard méfiant posé au loin. Soyez prudente en rentrant, me dit-il. Prudente ? Je tournais la tête pour remarquer une silhouette prostrée dans le parc à côté. J'aimais passer par le parc pour repartir, mais je n'avais que rarement vu des poney s'y rendre à cette heure. Il semblait perdu. Étrange ! Peu de gens traversent une ville par cette heure tardive ! Je buvais le fond de ma tasse froide d'un air pensif tout en observant la lune. Il n'aurait manqué qu'un loup hurlant à la lune pour rendre cette nuit mystique et angoissante ! Un hurlement... déchirant !
« NOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOON ! »Le silence retomba comme une pierre sur le bar et la rue. Le hurlement résonnait. Je tournais la tête vers la silhouette. Cabrée en arrière, l'ombre du poney semblait bestiale... Terrifiante ! Je ressentis un frisson, mais des murmures désapprobateurs vinrent accompagner ma pensée. Les poneys du bar jetaient des regards accusateurs à l'extérieur. Pauvre fou ! Voilà ce qu'ils devaient penser ! Moi, je regardais le poney avec inquiétude et embarras. D'où venait-il ? Je n'avais pas dans l'habitude d'aller aborder ainsi un poney dans la rue. Surtout en pleine nuit ! Mais la situation m'agaçait, un poney semblait dans le besoin et les autres riaient de lui ou le regardaient avec cruauté ! La nuit était l'abri de nombreux fous et enfants perdus, incompris. Une nuit qui ne faisait que refroidir encore leur cœur...
Lune tu veux être mère,
Tu ne trouves pas l'amour qui exauce ta prière,
Dis-moi lune d'argent, toi qui n'as pas de bras,
Comment bercer l'enfant ?
Je me relevait, m'emparent délicatement avec les dents de ma tasse de thé chaude dont une fumée délicate s'échappait avec une délicate odeur de lavande. Marchant doucement, je me rendais vers le poney, et arrivée non loin de lui je déposais la tasse devant lui, toujours délicatement.
« Allez-vous bien ? »Cachée derrière mon écharpe bleue, ma cape retombant sur ma crinière, le fixait de mes yeux saphirs, seule partie de mon visage visible, cet étranger qui semblait se fondre dans l'obscurité. La nuit, tous les chats sont gris !
D'un gitan cannelle, naquit l'enfant,
Tout comme l'hermine, il était blanc,
Ses prunelles grises, pas couleur olive,
Fils albinos de la lune.
Dans le noir profond de la nuit était prostrée la silhouette gris sombre d'une licorne aux yeux que je devinais de couleur froide. Il semblait se fondre dans l'obscurité, comme enfant de l'ombre. Seules ses mèches de crinière rouge de sang le laissaient deviner dans la lueur de la lune qui l'éclairait à peine entre les bras des rouages de la capitale solaire. Je me penchais vers lui, inquiète.
« Il fait frais pour ainsi errer à la nuit tombée. Vous devriez trouver un abri pour les heures de noirceur qui s'annoncent. »Et les soirs où l'enfant, joue et sourit,
De joie aussi la lune s'arrondit,
Et lorsque l'enfant pleure, elle décroît pour lui faire
Un berceau de lumière.